jeudi 26 mars 2015

Noces d'étain

La Rochefoucauld écrivait dans ses Maximes et réflexions diverses,

"Quelles personnes auraient commencé de s'aimer 
si elles s'étaient vues d'abord comme on se voit dans la suite des années ?"

Et si on inversait la maxime, à la manière de Camille Laurens,

"Mais quelles personnes aussi se pourraient séparer, 
si elles se revoyaient comme on s'est vu la première fois ?"

Le manteau est celui de ma mère, acheté à Londres pendant les années 60, c'est celui qu'elle portait le jour de son arrivée au Canada. Je l'ai porté le jour de mon mariage, histoire de renouer avec le poème des "Quatre quelque chose" - la vieille comptine anglo-saxonne pour jeunes mariées : "Something old (continuité), something new (optimisme), something borrowed (fertilité), something blue (protection contre le mauvais oeil) and a silver sixpence in her shoe (fortune et bonne chance)". [Quelque chose de vieux, quelque chose de neuf, quelque chose d'emprunté, quelque chose de bleu et une pièce d'argent de six pence dans sa chaussure.]

Tout ça s'inscrit dans un macro-discours sur l'objet en tant que manifestation physique de nos idiosyncrasies individuelles, de nos manières d'interpréter le monde, des valeurs de notre environnement social au sens large, de notre héritage culturel, de nos sensibilités humaines. Le vêtement manifeste le désir de nous différencier d'un corps social nommé et la volonté de nous identifier à ce même corps. Le vêtement comme tapis roulant de sens qui noue des liens entre nous, les autres, la société, entre les émotions du passé et celles du présent.

lundi 16 mars 2015

Craftivism



"Craft is hands-on, resource-based and practical. It has a visceral connection with materials and the way they are shaped into forms for display or use. It involves the actual doing of something rather than merely the experience of resources, for its active, hands-on quality, for the value it places on lived, grounded experience and emotional satisfaction - craft supports many sustainability values. (...)


Highly developed craft skills can be seen to support democratic ideals, for their potential is distributed widely among us all rather than attributed only to those with wealth or privilege. Crafting garments employs hands in combination with materials and machines. Here it is what you do - that is, technique, honed by years of experience - not who you are or how much technology you can access, that plays a defining role. Further, craft production can be seen to convey a sense of restraint in consumption, a speed limit and volume cap, for after all, you can only consume as much, and as fast, as the craftsperson can produce. Craft can, perhaps covertly, even imply further restrictions. It can suggest that we produce just enough for our own personal consumption (and in so doing opt out of the corporate, industrial model); or produce as a protest against, say, poor treatment of garment workers and degrading environmental quality, because it allows us to control more closely production conditions and material provenance.


In all of these contexts, craft is clearly political. It is an expression of production values, power relations, decision-making and pragmatism. Its sharp political edge is felt perhaps most distinctly in needlecraft's changed role in women's lives over the past 50 years. As recently as two generations ago, knitting, embroidery and dressmaking were part of women's domestic duties and household obligations, keeping females' "idle hands busy". By contrast, in the past decade, vastly different socio-cultural, labour and material conditions have seen needlecraft reclaimed by women as liberating feminist action rather than as subjugating work. It has been recovered as a practical, satisfying, expressive and creative act in and of itself. It is now sometimes referred to as part of the "new domesticity", where meaning is brought to a society dominated by mass-production and ready-made products and with decreasing space and time for hobbies." (Fletcher, Kate & Grose, Lynda. Fashion and Sustainability: Design for Change. Laurence King. London. 2012. pp. 146, 149.)



mardi 10 mars 2015

Pas besoin d'être Proust !

Une lectrice m'avait demandé, voilà un bail, ma recette de madeleines... alors la voilà, adaptée du magnifique livre Sensations de Conticini. Pour le zeste de citron, il vaut mieux privilégier la main de Bouddha. Pour ceux qui ne connaîtraient pas bien cet agrume, c'est une variété de cédratier aromatique et décoratif en forme de doigts ou d'une main en prière, fruit d'une mutation génétique aléatoire. Dépourvu de pépins et de jus, c'est sa peau épaisse qui est à utiliser râpée en pâtisserie ou confite en confiserie, voire tranchée en fines rondelles pour agrémenter une salade. Outre son berceau chinois et indien (du nord), le fruit pousse bien dans des climats tempérés comme le sud de la Californie. Son parfum très doux de fleurs d'oranger citronné est proprement enivrant ! Il se trouve souvent en épicerie asiatique ou, en Amérique du Nord, en coopérative bio. Si vous n'en trouvez pas, remplaçez-le par un agrume parfumé comme le cédrat ou le citron Meyer. Pour la vanille, l'idéal est d'utiliser une gousse de la Nouvelle-Guinée aux arômes plus bruts et épicés que les vanilles Bourbon de Madagascar ou de la Réunion. Et enfin, les moules à madeleines en métal, made in France par Gobel (celles-ci sont facilement disponibles à la vente en ligne et dans les boutiques spécialisées des 2 côtés de l'Atlantique) vous donneront les meilleurs résultats. Les moules en silicone sont à proscrire car vous n'obtiendrez jamais, avec elles, la fameuse "bosse" de la madeleine. Question de conduction.

Madeleines
pour 2 douzaines de madeleines environ

  • 125 g de farine, tamisée
  • 3 oeufs entiers (150 g)
  • 140 g de sucre semoule
  • 135 g de beurre, fondu mais pas chaud
  • 50 g de lait demi-écrémé
  • 1 paquet de levure chimique (5 g)
  • 2 c. à café de miel liquide toutes fleurs
  • 1 c. à café de fleur de sel
  • 2 c. à café de zeste de citron
  • 1 gousse de vanille, fendue et grattée
  • 1 c. à soupe d'huile de pépin de raisin
  • 3 gouttes d'extrait d'amande

Dans un saladier, fouetter les oeufs entiers avec le sucre semoule, la fleur de sel, le miel et les graines de vanille jusqu'à ce que le mélange blanchisse. Ajouter l'huile, l'extrait d'amande, la farine et la levure, puis le beurre. Une fois que l'ensemble est intimement mêlé, ajouter le lait. Filmer la pâte au contact et laisser reposer au frigo pendant 1 heure.

Beurrer les moules à madeleine et remplir chaque empreinte de pâte à 90%. Mettre au frigo pendant 1 heure au moins. Un quart d'heure avant de sortir les moules à madeleine du frigo, faire préchauffer le four à 160°C avec une plaque à pâtisserie à l'intérieur. Lorsque le four est chaud, poser les moules à madeleine bien froids sur la plaque à pâtisserie brûlante à l'intérieur du four et faire cuire pendant 10 minutes. Le but est de créer entre la pâte froide et le four et la plaque chauds, un choc thermique qui naîtra au fond des moules à madeleine, se diffusera au coeur de la pâtisserie et provoquera la "bosse" de la madeleine. Tout bénef car la madeleine est ainsi plus volumineuse ! Démouler, déguster, etc. etc.