Enfin ! Des croissants comme je les aime ! Au cœur tendre et moelleux et à la croûte brillante et craquante. Le tout signé Conticini of course ! Pour les ingrédients, j'avoue que ça a été sport... je vis après tout dans un marasme gastronomique... si seulement c'était de l'hyperbole... soupirs... Le Canada, grâce à sa commission des produits laitiers, a réussi l'exploit de transformer le pays en trou paumé du beurre (voir cet article du Globe & Mail pour se rendre compte de l'étendu du désastre). Bio ou pas, la production nationale y est sans goût, pâle comme un linge de mouisard, barattée à mort de façon industrielle et noyée de flotte, se cantonne tel un cancre à ses 80% de matières grasses obligatoires, et s'émiette en consternants lambeaux quand on le coupe. Et pas la peine de venir quémander du beurre étranger... la mafia protectionniste veille au grain... le beurre européen, t'oublie, le beurre américain, c'est pareil... à moins de passer la frontière en douce avec sa glacière, et le beurre néo-zélandais, fait de lait de vaches nourries à l'herbe verte et grasse 365 jours par an, arrive au compte-goutte, étranglé par des quotas riquiqui et un taux de taxation qui dépasse les 200%. Et puis c'est pas au supermarché qu'on va trouver ça. Nan ! C'est en cachette, façon junkie, dans des zones industrielles, derrière les rails et muni d'une adresse improbable griffonnée sur un bout d’enveloppe, chez un mec (hyper sympa au demeurant) qu'on en trouve !
Pffff ! Vous m'direz... dans un pays où la contribution aux arts de la table se résume au Kraft Dinner, faut pas s'attendre à des miracles non plus. Enfin, bref... tout ça pour vous dire que malgré l'obstacle (qui est grand et monolithique), il existe une bouée dans cette mer de désespoir. Il y a quelques années, une crèmerie ontarienne a eu la bonne idée de faire du beurre, du vrai, du beurre parfait pour le tourage ! Si vous vivez ailleurs qu'au Canada, bienheureux gavés aux beurres A.O.C., avec vos vaches nourries aux vertes prairies et vos hivers cléments, vous ne pouvez pas vous imaginez ce que ça représente ! Stirling Creamery fait un beurre à 84% de matières grasses, bien sec, qui sent la bonne crème et s'il ne peut contenir du lait de vaches nourries exclusivement à l'herbe, il est baratté artisanalement, ce qui, parole de pâtissière, fait toute la différence ! Si vous vous trouvez en Ontario, point de problème d'approvisionnement ! Ailleurs, il est disponible coast to coast dans les enseignes Costco. [Edito du 05/2014 : victime des impitoyables lois du marché, le beurre Stirling a été enlevé des rayons chez Costco. Bien que j'oeuvre de tout mon possible pour le rendre disponible à Calgary, il n'est pour l'instant, vendu dans l'Alberta, que chez Duchess Provisions à Edmonton.] Doux ou salé, le Churn 84 c'est d'la bombe !
Pour ce qui est de la levure fraîche de boulanger, comme on n'en vend qu'aux professionnels à cause notamment de sa durée de conservation limitée, consulter l'artisan boulanger le plus proche de chez vous. Ça coûte que dalle ($2,50 la livre, voire moins) et ça se congèle bien (débité en cubes correspondant aux quantités d'utilisation au préalable). Pour la farine de type 45, point de chichis, je la prend directement à la minoterie. C'est pas des Louboutins que je rapporte dans ma valise quand je vais en France... c'est d'la farine... ouais, ben, y'a des priorités dans la vie ! Au Québec je veux bien, mais là j'ai mal à la tête à l'avance rien que de penser aux recherches à effectuer pour tenter de la trouver au Ploukistan ! Je ne vous explique même pas le kilométrage à parcourir et le carnet d'adresse à avoir pour faire des rognons au madère ou même une raclette... et le vin ! Ma doué ! C'est-y pas malheureux d'être une amoureuse de la bonne bouffe en pareil endroit ! Mais ne nous lamentons pas... il y a, comme qui dirait, de la pâte sur la planche...
Le croissant adapté d'une recette de Conticini
pour une douzaine de croissants de taille moyenne
Pour la poolish (pâte de pré-fermentation)...
- 98 g de farine de T55
- 91 g de lait demi écrémé
- 20 g de levure fraîche de boulanger
Pour la pâte à croissants...
- la poolish
- 85 g d'eau froide
- 85 g de beurre doux, fondu et refroidi
- 8 g de sel fin
- 100 g de sucre semoule
- 340 g de farine de T45
- 20 g de levure fraîche de boulanger
- 250 g de beurre de tourage
Pour la dorure...
La veille au soir, préparer la poolish et le pâton de base. Pour la poolish, dans un bol, émietter la levure dans la farine et ajouter le lait. Fouetter énergiquement afin d'obtenir une pâte lisse et homogène. Couvrir le bol de film alimentaire et laisser pousser à température ambiante (22° C) pendant 1 heure et demie. La pâte devra avoir doublé de volume. Dans le bol du robot, verser la poolish, la farine, le sel, le sucre et le beurre fondu et refroidi. Mélanger au crochet pendant 2 minutes. Délayer la levure dans l'eau froide et ajouter dans le bol du robot. Pétrir 10 minutes à vitesse moyenne jusqu'à ce que la pâte soit lisse et homogène. Laisser la pâte à l'intérieur du bol, couvrir de film alimentaire et laisser pousser 1 heure et demie à température ambiante. Écraser la pâte pour lui redonner sa forme initiale. Mettre cette boule de pâte sur une feuille sulfurisée et recouvrir de film alimentaire. Laisser reposer toute une nuit au réfrigérateur.
Le jour même, sortir le beurre de tourage une demie heure avant d'abaisser la pâte. Abaisser la pâte au rouleau de façon à obtenir un rectangle (30 x 40 cm). L'envelopper de film alimentaire et l'entreposer au congélateur pendant 30 minutes pour qu'elle soit bien froide. Au bout d'une heure à température ambiante, étaler le beurre sur 1 cm d'épaisseur entre deux feuilles de papier sulfurisé en lui donnant la forme d'un rectangle légèrement plus petit que le pâton. Déposer ce rectangle de beurre au milieu du pâton et replier chaque extrémité de pâte bord à bord pour bien recouvrir le beurre. Abaisser au rouleau de façon à obtenir un rectangle trois fois plus long que large. Replier en portefeuille. Ainsi se termine le premier tour.
Faire pivoter la pâte d'un quart de tour à droite et l'étaler en un rectangle trois fois plus long que large. Replier en portefeuille. Ainsi s'achève le deuxième tour. Envelopper la pâte de film alimentaire et entreposer au réfrigérateur pendant 1 heure.
Étaler la pâte sur 5 mm d'épaisseur en un rectangle d'au moins 25 cm de largeur. Tailler des triangles de 15 cm à la base et de 25 cm de long. Faire une petite entaille d'un centimètre de long au milieu de la base des triangles. Étirer délicatement la pâte de chaque côté de l'entaille afin de créer des pointes plus longues et recourbées. Étirer aussi le sommet du triangle. Le triangle de pâte étiré finit par ressembler à une tour Eiffel. Rouler les triangles sur eux-mêmes en partant de la base vers le sommet, sans écraser la pâte. Déposer les croissants sur une feuille de papier sulfurisé. Badigeonner délicatement d'eau au pinceau et recouvrir d'une autre feuille de papier sulfurisé pour éviter le croûtage et le dessèchement. Laisser pousser pendant 2 heures à température ambiante. Les croissants doivent avoir pris 80% de leur volume initial.
Préchauffer le four à 230° C. Poser un plat plein d'eau au fond du four - l'humidité permettra aux croissants de conserver un cœur moelleux tout en ayant une croûte brillante et friable. A l'aide d'un pinceau, dorer la surface des croissants à l’œuf battu. Enfourner les croissants pendant 5 minutes. Baisser la température du four à 190° C et continuer à faire cuire pendant encore 10 minutes. Allez zou ! A table !