samedi 3 janvier 2015

Churchill, les modeuses, quelques souvenirs d'enfance et une robe signée de Castelbajac...


Quand j'étais petite et qu'un bavard inopportun avait le malheur d'aérer ses platitudes à portée de nos oreilles, ma mère nous faisait remarquer que "ce sont les barils vides qui font le plus de bruit". Etant aussi friande des bons mots de Winston Churchill, il lui arrivait d'ajouter, "Si nous sommes maîtres des mots que nous n'avons pas prononcés, nous devenons les esclaves de ceux que nous avons laissé échapper." 

Etant d'un naturel taiseux, je m'étonne toujours de la capacité de ceux qui, ayant été encouragés toute une vie durant à verbaliser tout ce qui pouvait leur passer par la tête, et donc dépourvus de filtre, font l'étalage décomplexé, fier et braillard d'une crasse ignorance. Il suffit d'une déambulation des plus sommaire sur internet en général et sur des blogs de pôv modeuses décérébrées en particulier pour s'en rendre compte. Pour faire une entorse à la boutade de ce cher Pierre, les hémorragies cérébrales sont moins fréquentes chez les modeuses... les cerveaux aussi. 

Novembre dernier alors que sortait le Burda de fin d'année, je suis tombée en pâmoison devant le modèle couturier de Jean-Charles de Castelbajac - une mini robe d'une simplicité déconcertante avec son effet pull surdimensionné et ses poches en cache-cache. En attendant que le numéro arrive chez ma mercière (dans l'Ouest canadien, comptez un minimum de 2 semaines de décalage après la date de parution des magazines... et plusieurs décennies au niveau du progrès social... mais ça c'est un autre chapitre !) j'ai fait l'erreur d'aller flâner sur la toile...

{photo: https://www.facebook.com/burdastyle.fr}

Je n'ai pas été déçue du voyage. Entre autres logorrhées idiotes, cette perle américaine qui déplorait le fait que tous les couturiers dénichés par Burda lui "sont inconnus". L'auteure aurait pu s'arrêter là, on lui aurait pardonné tout en l'enjoignant d'aller s'instruire à l'aide de cette chose merveilleuse que l'on appelle encore le livre. Mais la bêtise est faite pour être creusée. Notre scholiaste se fend donc de cette note explicative : "Je ne sais pas qui c'est que ce Castelbajac. J'imagine que ça doit être un grand nom dans son Allemagne natal. Et puis de toute façon, ces poches sont trop grandes pour le commun des mortels". Que dire ? A part répéter quelques répliques d'Audiard.

Jean-Charles de Castelbajac c'est bien sûr le créateur français à l'activité foisonnante qui oeuvre dans le monde de la mode et de la création depuis plus de quarante ans et qui a habillé bien des personnalités médiatiques (Lady Gaga, Mick Jagger et Elton John entre autres) pour ne rien dire de ses innombrables collaborations avec d'autres artistes dans les domaines du design, de l'habillement, du mobilier et de la musique (Grace Jones, The Sex Pistols). Il expose à l'échelle mondiale, au Palais Galliera, au V&A, au FIT, au MAK et enseignera à la prestigieuse Central Saint Martins School of Design à Londres et à l'Académie des arts appliqués de Vienne. Il sera toujours pour moi lié à l'esthétique de Courrèges chez qui il travaille brièvement de par les formes qu'il préconise qui traduit un sens de l'humour pétillant et sa palette de couleurs fétiches - le blanc, les unis de couleur vive. Je vous encourage à aller faire un tour sur le site du créateur tout en graphisme pop.

La robe "maxi poches" issue de la pré-collection automne/hiver 2014/15 en drap de laine et cachemire bleu foncé est celle qui figure au numéro de Décembre 2014 du Burda Tendances Mode. Cette collection dit s'inspirer du garde-robe des années cinquante du créateur alors qu'il n'était qu'un enfant. Ce clin d’œil nostalgique et régressif est évident dans la forme ample et courte de cette robe au col roulé tel l'éternel pull vert de Gaston Lagaffe.


{photos : http://jc-de-castelbajac.com/}

D'une apparente simplicité, la robe cache d'astucieuses techniques de montage, notamment au niveau des manches raglan et des poches surdimensionnées. Le col, doublé de bourre et quilté, est un joyau tactile et imite intelligemment les côtes d'un pull tricoté.

J'estime que la mode, que le vêtement peut, et doit exister comme témoin et comme objet qui relie et retrace nos expériences collectives en tant qu'êtres humains. Le vêtement ne doit pas continuer à être l'apanage de bougres écervelés et de bougresses gominées qui nous causent tendances jusqu'à l'indigestion, trahissant là leurs propres phobies et complexes et entretenant une relation impersonnelle avec le vêtement, ses procédés de production et niant l'infini gamme de significations qui l'accompagne. Le vêtement est l'un de nos plus anciens actes créatifs. Que l'on crée ou que l'on se contente de le porter, le vêtement fait la chronique de nos engagements à la fois très personnels et plus universels dans des domaines aussi divers que la mémoire, l'imaginaire, l'espace, le temps et l'émotion.

J'ai fait une toile dès que j'ai eu le patron en main. Evidemment ! La version finale ne sera pas bleue mais sera faite en drap de laine rouge. Cette couleur par excellence, "océan", originaire, de la rage, de la guerre, du feu et du sang (écouter l'entretien de Michel Pastoureau à ce sujet sur France Culture) et de l'enfance aussi, du petit chaperon rouge, de la fête, du goût tant attendu des cerises l'été, des framboises mûres qui éclatent par terre dans le jardin de ses parents et des fraises des bois trouvées au hasard des promenades et jalousement gobées avant que son petit frère ne puisse les trouver...






9 commentaires:

  1. Magnifique toile!!! Hâte de voir ta version RED.
    Je me ferais bien la version top manche longues avec grandes poches pour les beaux jours ;)))

    RépondreSupprimer
  2. Bonne Année ma belle! En Castelbajac!

    RépondreSupprimer
  3. Those pockets are fascinating -- do both sections function, both outer and hidden?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. They sure are! The outer patch pocket with flap is not a functional pocket but is an integral part of the dress. Within the patch pocket is a working invisible pocket.

      Supprimer
  4. delphine duval2 mars 2015 à 14:59

    Bonjour, la toile est superbe déjà! Je suis en train de me la faire mais sans les poches, car avec mon tissu ça va faire trop d’épaisseur. En revanche, je stresse un peu sur la couture des empiècements côté devant et dos et notamment sur l'angle arrondi. Le tiens ont l'air parfait. as tu eu une technique particulière? Merci par avance!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour ! Normalement, il suffit de faire une couture machine le long de la marge de couture des empiècements et de faire des entailles aux ciseaux dans la marge de couture tous les 1 à 2 cm (selon la souplesse et l'épaisseur du tissu) le long de l'arrondi sans entamer la couture. En pliant les marges de couture sur l'envers et en utilisant la ligne de couture comme repère, l'arrondi devrait être bien rond. En utilisant un pied de biche pour bordure étroite (le #10 chez Bernina par exemple) et en raccourcissant un peu ton point, la manoeuvre le long de la courbe devient plus facile.

      Supprimer
  5. Bravo pour l'étude des créateurs,et bravo pour cette belle toile et j'espère voir la robe terminée.Une blogueuse amie de Normandie vient de mettre la sienne en ligne et le résulte est bluffant.
    Amitiés couturesques.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup ! J'avoue être prise entre plusieurs robes à terminer en ce moment, mais la version finale de cette robe ne saurait tarder ! :)

      Supprimer